canidate sérieuse

  • Oct 21, 2025

Oubliez le "candidat parfait", devenez le candidat recrutable.

  • STEPHANE MURACCIOLE
  • 0 comments

Vous préparez un concours ? Vous visez une promotion ? Vous avez sûrement l'image d'un "candidat parfait" en tête. Un candidat qui sait tout, qui récite le droit public comme une poésie et qui ne trébuche jamais.

En tant que DRH dans la fonction publique et formateur depuis des années, laissez-moi vous dire la vérité : ce candidat n'existe pas. Et surtout, ce n'est pas celui que nous cherchons à recruter.

Ce que nous cherchons, c'est un candidat recrutable. La nuance est fondamentale.

PARTIE 1 : Le miroir aux alouettes du "candidat parfait"

Commençons par le commencement.

L'école, l'université, et même la "prépa concours" traditionnelle, vous forment à une chose : l'accumulation de connaissances. On vous apprend à savoir.

Le problème ? L'administration ne fonctionne plus comme ça.

J'ai commencé ma carrière à une époque où le savoir était le pouvoir. L'agent qui connaissait les lois de 1983 et 1984 par cœur était roi. Aujourd'hui, ces lois sont à trois clics sur Légifrance.

Le monde change vite. La société change vite. Les attentes des usagers changent (merci la digitalisation, merci l'instantanéité). Une réforme chasse l'autre. Ce qui était vrai hier est obsolète demain.

En tant que DRH, je ne cherche pas quelqu'un qui sait. Je cherche quelqu'un qui sait trouver, sait analyser, et surtout, sait s'adapter. Je cherche une tête "bien faite".

Pourquoi est-ce une bonne nouvelle pour vous ?

Parce que si vous êtes en reconversion, ou si vous avez quitté l'école il y a 10 ou 20 ans, vous avez quelque chose que le jeune diplômé (même brillant) n'a pas : l'expérience de la vraie vie. Vous avez déjà dû vous adapter. Vous avez géré des crises, des clients mécontents, des changements de stratégie dans votre entreprise.

Vous n'êtes pas une page blanche. Vous êtes un livre qui a déjà du vécu. Votre travail n'est pas de mémoriser un livre de plus, mais d'apprendre à raconter le vôtre à travers le prisme du service public.

Qualité n°1 : L'agilité cognitive (L'art de désapprendre)

La première qualité que je recherche activement, c'est l'agilité cognitive. Ce n'est pas un gros mot. C'est simplement la capacité à ne pas être prisonnier de ses propres certitudes.

Dans l'administration, le pire fléau, c'est le fameux "on a toujours fait comme ça". C'est le signe d'un esprit rigide.

L'agilité cognitive, c'est :

  • Accepter le changement : Voir une nouvelle réforme non pas comme une menace, mais comme un problème à résoudre.

  • Désapprendre : Accepter que la méthode que vous utilisiez hier ne fonctionne plus.

  • Apprendre vite : Intégrer rapidement un nouveau logiciel, une nouvelle procédure, un nouveau cadre légal.

Lors d'un oral, je ne teste pas seulement ce que le candidat sait. Je teste ce qu'il fait quand il ne sait pas.

Est-ce qu'il panique ? Est-ce qu'il ment ? Est-ce qu'il se bloque ?

Ou bien... Est-ce qu'il prend un temps de réflexion ? Est-ce qu'il pose une question pour clarifier ? Est-ce qu'il propose une méthodologie pour trouver la réponse ? ("Je ne connais pas ce texte précis, mais voici comment j'aborderais le problème...")

Bingo. Ce candidat-là est agile. Il est recrutable. Il sera opérationnel.

Comment cultivez-vous cela ? En sortant de votre zone de confort. En lisant des choses qui ne concernent pas directement votre concours. En vous intéressant aux innovations du secteur privé. En acceptant de vous tromper.


PARTIE 2 : Les Qualités Oubliées (que le Jury Chasse)

L'agilité est le moteur, mais elle ne fonctionne pas seule. J'ai vu des candidats très "agiles" mais purement individualistes ou déconnectés de la réalité du terrain. Ils échouent aussi.

Pour être un agent public efficace aujourd'hui, deux autres piliers sont essentiels.

Qualité n°2 : Le Sens du Service (L'art de comprendre le "Pourquoi")

C'est peut-être la qualité la plus importante, et la plus sous-estimée par les candidats obsédés par la technique juridique.

Le "sens du service" (ou "sens de l'usager"), ce n'est pas être gentil. C'est comprendre la finalité de votre mission. La Fonction Publique n'existe pas pour s'auto-contempler ou pour appliquer des règles. Elle existe pour servir l'intérêt général et répondre aux besoins des citoyens.

Trop de candidats voient l'administration comme un simple jeu de règles. Ils vous récitent l'article L. 100-1 du CRPA (Code des relations entre le public et l'administration) mais oublient son esprit.

L'anecdote du "mauvais dossier" : J'observe souvent cela en mise en situation. Un candidat joue le rôle d'un agent de guichet. Un usager arrive, il lui manque un document.

  • Le candidat "technicien" (rigide) : "Votre dossier est incomplet. Revenez quand vous aurez la pièce X. Au revoir." Il a appliqué la règle. Il a tort.

  • Le candidat "au sens du service" (recrutable) : "Je vois qu'il manque le document X. C'est frustrant, je comprends. Voici exactement où vous pouvez l'obtenir. En attendant, nous pouvons déjà commencer à vérifier le reste de votre dossier pour s'assurer que tout est parfait pour la suite. Cela vous convient-il ?"

Le second a fait preuve d'empathie, de proactivité et a compris sa mission : faciliter l'accès au service public, pas le garder comme une forteresse.

Pour vous, en reconversion, c'est de l'or en barre. Vous avez géré des clients, des fournisseurs, des partenaires. Vous avez dû trouver des solutions. C'est précisément cette compétence que nous voulons. Ne dites pas "j'étais commercial", dites "j'ai appris à identifier un besoin et à y apporter une solution concrète et rapide, en gérant la frustration."

Qualité n°3 : L'intelligence relationnelle (L'art de la transversalité)

L'administration n'est plus une pyramide de silos étanches. L'époque du chef de bureau qui régnait sur son domaine est révolue (ou en voie de l'être !).

Aujourd'hui, tous les projets majeurs – la transition écologique, la transformation numérique, la simplification administrative – sont transversaux. Ils demandent de travailler avec la direction des finances, les RH, les services techniques, les DSI, et souvent des partenaires externes (associations, entreprises, autres collectivités).

Ce que je cherche, c'est donc l'intelligence relationnelle et émotionnelle. La capacité à :

  • Écouter activement : Comprendre le point de vue de votre collègue du service d'à côté, même s'il a des contraintes opposées aux vôtres.

  • Gérer son stress : Ne pas devenir agressif ou se fermer face à la critique ou à la pression (le jury va vous mettre sous pression à l'oral, c'est fait pour ça).

  • Faire du feedback : Savoir dire les choses de manière constructive.

  • Créer du lien : Être celui ou celle qui facilite la réunion, qui trouve le point de consensus.

Lorsqu'un candidat me dit : "Dans mon ancien poste, j'ai dû coordonner un projet entre le service marketing, qui voulait tout, tout de suite, et l'équipe technique, qui avait besoin de temps. J'ai organisé des ateliers pour qu'ils définissent ensemble des priorités. On a réussi à livrer 80% du projet à temps, en décalant les 20% non essentiels."

Ce candidat vient de me prouver qu'il est prêt à être un cadre de la fonction publique. Il a géré la complexité humaine. C'est mille fois plus précieux que de connaître la date du dernier décret sur le télétravail.


PARTIE 3 : Concrètement, Comment Incarner ces Qualités le Jour J ?

C'est bien beau tout ça, me direz-vous, mais comment le prouver dans une copie ou en 20 minutes d'oral ?

  1. Pour l'écrit : Ne vous contentez pas d'un plan "Droit - Droit - Droit". Ayez toujours une partie ou une sous-partie sur "l'impact opérationnel", "l'accompagnement du changement" ou "la perspective de l'usager". Montrez que vous n'êtes pas un robot-juriste, mais un futur manager.

  2. Pour l'oral (L'arme absolue) : Le "Dossier RAEP" : Si vous êtes en reconversion ou en interne, le dossier de Reconnaissance des Acquis de l'Expérience Professionnelle (RAEP) est votre terrain de jeu. C'est le lieu pour raconter vos histoires. Ne listez pas vos tâches. Expliquez comment une expérience (gérer un client furieux, un bug informatique majeur, un projet raté) vous a permis de développer l'agilité (Qualité 1), le sens du service (Qualité 2) ou l'intelligence relationnelle (Qualité 3).

  3. Pour l'oral (La mise en situation) : C'est le test grandeur nature.

    • On vous pose une colle ? N'inventez pas. Utilisez la méthodologie de l'agilité (Qualité 1). "Je n'ai pas le chiffre exact en tête. Mon premier réflexe serait de consulter [telle base de données] ou de contacter [tel service expert]. Mon analyse a priori, basée sur [votre raisonnement], serait que..."

    • On vous soumet un cas de management ? Ne soyez pas un "petit chef". Pensez solution, médiation, écoute (Qualité 3).

    • On vous place face à un usager mécontent ? Pensez empathie, solution, pédagogie (Qualité 2). Ne vous braquez pas derrière le règlement.

Conclusion : L'authenticité est votre meilleur atout

Arrêtez de courir après une illusion. Le candidat parfait est un mythe qui paralyse. Le candidat recrutable est un être humain authentique, conscient de ses forces et lucide sur ses faiblesses, mais surtout, capable d'apprendre et de s'adapter.

La fonction publique se transforme à marche forcée. Elle a besoin de profils diversifiés. Elle a besoin de gens qui ont vécu, qui ont échoué, qui se sont relevés. Elle a besoin de votre expérience, qu'elle vienne du privé, du monde associatif ou d'une autre administration.

Votre mission n'est pas de rentrer dans un moule. Votre mission est de montrer au jury comment votre parcours unique et vos savoir-être font de vous la personne la plus à même de relever les défis de demain.

Alors, ma question pour vous est la suivante : Quelle est cette expérience unique, que vous pensiez peut-être "hors-sujet", qui prouve en fait votre agilité ou votre sens du service ?

Commencez à travailler là-dessus. C'est là que se trouve la clé de votre réussite.

Abonnez vous à ma newsletter

0 comments

Sign upor login to leave a comment